Chapitre II - Le Moine Noir
De nouveau à l'affut, j'espionnai quelques secondes les alentours de la place... deux groupes d'une dizaine de charrs montaient la garde pour être sûrs que personne n'y rentre ou n'en sorte. Un autre encore, d'une vingtaine d'individus complétait le siège par un campement cernant complètement Piken. Ils étaient bien trop nombreux pour moi,cependant il me fallait passer à l'action avant que l'aube n'arrive...
Afin de diminuer leur nombre, je décidai d'utiliser un sort d'étranglement depuis la butte qui me dissimulait et m'apprêtais à le lancer au charr le plus proche lorsqu'une main se posa sur mon épaule. Reflexe. Je fis volte face, attrapai son bras, le fis basculer sur le dos, tomber dans un bruit sourd, puis vins m'asseoir sur lui, bloquant ses mains de mon coude et lui appliquant une dague sur la gorge.
_Qui ?
Ce que dans l'obscurité de la nuit je devinai être un homme répondit :
_Excellents réflexes madame, et je goûterais fort ce moment d'intimité si les circonstances ne m'obligeaient à vous demander de bien vouloir retirer votre lame. Je suis officier supérieur de la garde Ascalonienne, envoyé ici avec mes hommes pour ravitailler la place et tenter de lever le siège.
Lentement, je me relevai, puis écoutai aux alentours pour tenter de savoir s'il avait dit vrai. Soit qu'il fut nyctalope, soit qu'il l'ait prévu, il ajouta :
_Mes hommes attendent en faction devant le pont dissimulé par cette colline. A qui ai-je l'honneur...mademoiselle ?
Je réfléchis un instant, puis répondis :
_Lapie Chutelibre, moniale de l'abbaye d'Ashford.
L'homme sembla hésiter, puis tourna les talons et s'en alla vers ladite colline. Peu de temps après, il revint suivi comme il l'avait annoncé de ce que j'estimai, d'après les bruits de pas, à une vingtaine d'hommes suivis de quelques chevaux.
La voix du commandant :
_Prenez les hommes et creez une diversion sur le flanc gauche du siège. Semez la panique dans le camp, à l'écart de la porte.
_A vos ordres.
"La diversion" s'éloigna nous laissant seuls le commandant, les chevaux et moi même.
_Vous les envoyez à la mort, monsieur.
_Pas si vous les couvrez, mademoiselle Chutelibre. Ces hommes sont braves, mais ils ne peuvent rien faire contre la magie dans pareille situation.
_Je ne suis que...
Me coupant la parole :
_Votre réputation vous précède mademoiselle. Allons, tout le monde connaît votre puissance.
Je me demandais depuis quand exactement Lapie avait fait montre d'une extraordinaire puissance et qui plus est d'où lui venait cette renomée... Sans autre commentaire, je me pressai pour rattraper les hommes. Arrivée à hauteur de l'officier le plus gradé, j'arrêtai le convoit avant qu'il n'entre dans l'espace éclairé par les feux pour lancer la diversion.
_Qui va là ?
_Votre supérieur m'a envoyé vous commander. Attendez ici et laissez moi faire. Lorsqu'ils seront tous perdus parce qu'ils ne sauront pas qui attaque puis que vous les verrez tomber à terre, prenez les de ce côté ci, mais faites attention à votre flanc. Les renforts arriveront par là. Prenez donc la moitié de vos soldat seulement pour le premier assaut, et lorsque les renforts arriveront, que le deuxième groupe vienne défendre vos arrières.
_...A terre ? demanda il d'un air incrédule.
Sans attendre, j'appliquai un sort d'Ombre sur moi-même, disparaissant alors totalement, j'avançai dans le campement, sautant d'un lieu à un autre pour peu qu'il soit obscure.
Arrivée derrière la "tente" de ce qui semblait être leur chef, je coupai de ma dague les attaches de celle ci. Elle s'écroula sur son occupant qui, sortant tant bien que mal de dessous la toile, grogna férocement. Arrivant par derrière je l'empalai de mon épée et la remontai dans son corps du nombril jusqu'au nez. Les autres ne tardèrent pas à sortir également. J'étais debout, sur le cadavre, essuyant machinalement Agonie. Cela avait été un jeu d'enfant, du moins depuis que je les considérais comme un ennemi réel... ma faiblesse passée n'avait eu pour origine que mon orgueil.
C'était le bon moment : tandis qu'après s'être saisis de leurs armes ils courraient vers moi, je lançai mon épée très haut dans le ciel de manière à ce qu'elle tournoie. Le temps de son envol, les charr tombèrent à terre. Saisissant alors une lance, j'en transpercai deux et courrai vers Agonie, qui était revenue se ficher dans le sol, la repris pour trancher la tête d'un autre. L'un deux me lança un coup d'épée ue je parai et de la lance en tuai un autre. Un archer tira et alors que j'allai être blessée, un bouclier s'interposa.
_Si nous gagnons cette bataille, nous serons accueillis en héros à Piken. souffla le soldat avant de repartir au devant d'un autre groupe.
_Si nous gagnons cette bataille, tout Ascalon saura mon retour. murmurais-je..
Lorsque les renforts charrs arrivèrent et que le second battaillon humain sonna la charge, j'entrevis les portes de la Place s'ouvrir pour laisser le convoi entrer puis un groupe armé sortir avant que ne soit refermée l'entrée.
_Voilà la garde de Piken, soyez braves ! hurlais-je alors pour les encourager.
M'excentrant légèrement, j'invoquai des golemmes faits à patir de sang encore chaud et de terre.
Je chuchotai :
_Tuez les charrs. Laissez les humains.
Un garde passant par là et effrayé donna un coup de hache violent pour détruire la créature visqueuse qui invariablement continua d'avancer vers l'ennemi. Ecoeuré par les résidus restés sur sa lame et ses vêtement, il s'évanouit. N'ayant pas le temps de m'occuper de lui, je scrutai pour repérer d'éventuels "mages" ou...[i]nécromants[i] chez l'adversaire. A ma grande décéption, il ne semblait pas y en avoir ne serait-ce qu'un sur lequel j'aurais pu exploiter ma colère.
Un cor sonna. Un autre lui répondit. Puis enfin des cris de joie.
Les troupes humaines s'étaient rassemblées devant la place. Distraite par la bonne humeur flagrante des troupes, je les rejoins. On m'apostropha.
_Mademoiselle ! Mademoiselle ! Quel combat !
Une femme qui n'appartenait manifestement pas aux troupes de l'officier supérieur ordonna aux hommes d'entrer se reposer. Je m'apprêtai à en faire autant lorsqu'elle me barra la route.
_Vous n'êtes pas la bienvenue ici.
Un fantassin tenta d'intervenir jusqu'à ce qu'elle le menace de son marteau. Il renonca et disparut dans les rangs.
_Sans moi le siège n'aurait jamais été levé. insistai-je.
_Je le sais, et c'est pour cette raison que vous n'avez pas encore été tuée... Je le répète : vous n'êtes pas la bienvenue ici, Moine Noir.
Les troupes s'arrêtèrent, choquées, avant de disparaitre derrière les murs de Piken, menacées par la femme d'être sévèrement punis s'ils ne daignaient obéir. Je serrai les dents. Elle me lanca un regard dur avant de s'évanouir à son tour. Les portes se refermèrent dans un grincement assourdissant juste derrière elle.
Une main se posa à nouveau sur mon épaule. Reflèxe.
_Vous méfierez vous donc toujours mademoiselle Daemon ?
Sous l'étonnement je lachai prise avant de me relever. Il époussetta son uniforme taché de sang d'un geste nonchalant.
_Si vous souhaitez que vos mensonges soient crédibles, évitez à l'avenir d'usurper le nom d'une moniale actuellement en mission pour Ascalon. conseilla-il.
Vexée, je serrai les poings. Marchant vers le mur, il me fit signe de le suivre.
_Je dois rentrer à Ascalon faire mon rapport. Non loin d'ici existe une brèche dans le grand rampart. Une fois de l'autre côté, nous nous séparerons.
J'acquiescai.
Dans mon dos le soleil se leva, éclairant son visage d'une lueur dorée. Le jour réchauffait peu à peu la terre rougie par la bataille dont fumaient encore quelques foyers charrs. Ma tunique ondula avec la brise. Les rayons du soleil atteignirent le rampart.
Ascalon, enfin.
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Dédicace de ce chapitre 2 à Maure Dedicace, Harmonie Eracles, Ju Va Mine, Alexia Ombrepierre et Jettero Healer.