Solstice d’hiver, Abbaye d’Ashford
Cher journal,
Père m’a offert ce matin ces quelques rouleaux de parchemin, ainsi que cette magnifique plume qui ornait la coiffe d’un Grawl pas plus tard que la semaine dernière. Je peux enfin mettre à profit les leçons d’écriture que j’ai reçues depuis ma VIème année.
Aujourd’hui la neige recouvre toute l’étendue de la vallée, jusqu'à village, c’est magnifique. J’adore la neige. J’ai pratiquement passé toute la journée à jouer dehors, les moines de l’abbaye doivent encore se demander d’où tombaient toutes ces boules que je leur lançais. J’en sourie encore.
C’est mon anniversaire, je me sens bien ici, près de l’âtre rassurant. Il fait bon. Demain, pour le premier jour de mes XV ans révolus je vais devoir choisir un instructeur particulier pour la suite de ma formation. J’hésite. Tout le monde s’attend à ce que je choisisse mon père, c’est légitime. Mais je ne veux pas que l’on pense que je suis favorisée, surtout vis-à-vis des autres novices. Je sais que j’ai un don, que j’ai un avenir de Moine tout tracé. J’en décevrais beaucoup, mon père le premier si je ne suivais pas cette voie. J’hésite.
Peut être devrais-je lui en parler, pour savoir s’il comprend mes sentiments à cet égard. Je ne sais si ce sont les questions que je me pose qui me font frissonner ou si le feu faiblit. Je vais remettre une bûche dans le foyer.
Je crois que je regrette le temps béni où je ne me demandais pas tout cela, les heures entières passée à la brasserie de l’abbaye pour aider Joan à préparer les céréales pour la fermentation. Que ne suis-je la fille ou le fils d’un frère brasseur, tout serait tellement plus simple. J’aime tellement contempler la nature officier à ses miracles successifs, et pourtant si anodin aux yeux de tout un chacun. Pourquoi le feu nous réchauffe-t-il si agréablement. Pourquoi l’eau, liquide si insignifiant au demeurant possède toutes ces propriétés si extraordinaire qu’elles en font l’élément primordial à toute vie, aussi bien qu’un élément de décor si splendide en ces douces journées hivernales. J’hésite. Etudier ces phénomènes à l’insu de père me semble une traîtrise. Je lui en parlerais dès son retour d’Ascalon. Je me le promets.
Après qu’il m’ait raconté pourquoi le roi Adelbern l’a fait mandé en cette cité, car j’ai l’impression que le problème était urgent. Des bruits courent. Je sens l’abbaye tendue, et la région en effervescence. Des bruits courent. Les Charrs seraient de plus en plus actifs. Mais je ne m’inquiète pas, ils trouveront une solution. Tout est toujours allé pour le mieux dans cette région, je ne vois pas ce qui pourrait nous arriver.
Mais que je devienne Moine comme toute ma famille, ou que j’assouvisse ma passion de comprendre et d’approcher les éléments de dame nature, je ne le ferais qu’avec l’assentiment de mon père. Je ne prendrais ce choix qu’avec sa bénédiction. Pas toute seule, je n’ai pas le recul nécessaire.
J’hésite…