Dès lors qu’il a levé les yeux sur le monde, l’homme n’a cessé d’en apprivoiser les secrets, d’en découvrir et maîtriser chaque parcelle. Mais si un à un les domaines qu’il foulait tombaient sous son joug, il restait toujours et encore un territoire qui lui résistait, comme une quête sans fin. Tels des insectes se ruant à la lueur d’une torche, fascinés et terrifiés par l’inconnu.. Nul ne sait si la paternité en revient au destin, aux dieux ou bien simplement au cœur des hommes, qui les conduit depuis la nuit des temps à sans relâche rechercher ce qu’ils n’ont pas, à aller au bout de leurs rêves.
C’est une cruelle fatalité que d’être né humain et posséder ce cœur unique capable de tant de beauté et de laideur à la fois. Ce cœur qui désespéramment a besoin de croire en quelque chose, l’aspiration d’une vie meilleure ; douce chimère qui permet pourtant a tant d’entre nous d’affronter la vie tel un mensonge salvateur. A la fois source d’une grande force et faiblesse ô combien aisée à exploiter les rêves ont toutefois réussi à transformer le monde. Le progrès, les valeurs, les idéaux, les terres nourricières mais aussi la guerre, l’ambition, la souffrance..
Mais les rêves parfois sont cruels, autant que ceux qui les créent. Combien sont partis sans jamais revenir ? Combien de familles, de frères, de pères et de sœurs sont partis en quête de chimères… Qu’en est-il de ces innombrables innocents broyés en étau par les rêves de leurs seigneurs, morts anonymes sacrifiés par une Histoire préférant retenir les aristocrates ?
Combien même ont pu ne serait-ce qu’entre apercevoir leur but ou au mieux réaliser que le primordial n’est pas l’objectif mais le chemin ? Trop peu affirment les sages les plus optimistes préservant ainsi les illusions des plus naïfs.
Peut-être qu’en fait, il est parfois plus sage de laisser les rêves tels qu’ils sont, juste des rêves Mais c’est un lourd tribu à payer, de renoncer à ce qui fait de nous des humains. Et si par aventure un dieu venait à me proposer de vivre sous la forme de mon choix… je resterai homme, pour rêver encore une fois..